Créole haïtien : apprenez à nommer les parties intimes

Article : Créole haïtien : apprenez à nommer les parties intimes
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17 mai 2017

Créole haïtien : apprenez à nommer les parties intimes

Le créole est une langue marquée du sceau du tabou sociolinguistique, fortement minorée au plan du prestige social. L’intérêt de ce billet portera sur la subtilité sémantique dans les désignations linguistiques des parties génitales en créole haïtien.

La langue est un reflet de notre société. À cet égard, il existe des tabous dans toutes les sociétés. Les sujets liés à la sexualité sont particulièrement prisonniers de tabou en Haïti.

Dessin d'une femme se trouvant derrière les barreaux
Photo crédit © : Pixabay

Parler des parties intimes a toujours été un sujet tabou en Haïti. Imagine un parent haïtien, se retrouvant face à l’inévitable question « Kòman sa rele? » (comment s’appelle cela?) en désignant les parties génitales. Certains parents vont donner des noms de substitution français (pénis, vagin) pour éviter une transgression de tabou. En revanche, d’autres parents utiliseront un langage enfantin comme référence pseudo-humoristique pour désigner la chose, comme pour ne pas être déplacés.

Entre l’euphémisme de bienséance et le linguistiquement correct, je me suis d’ailleurs demandé quel vocabulaire utiliser en public ou à l’écrit. Je me permets ici d’analyser les quelques termes en créole haïtien qui désignent les parties intimes, sans aucune intention de briser un tabou.

À première vue, les mots qui existent pour désigner les parties intimes en créole semblent être entachés de trivialité. Mais je perçois une ingéniosité dans ces créations lexicales, faites par analogie « sémantique ».

Devan. En général, le mot « devan » sert à désigner les parties génitales (homme et femme). En fait, c’est le terme générique en opposition avec « dèyè » (derrière) pour évoquer les fesses. Si un Haïtien vous dit : « Ou gen yon bèl devan »Prenez-le comme un compliment car cela se traduit par «avoir un beau sexe».

L’appareil génital masculin

Objets représentant le pénis
® Wikimedia Commons

Grenn. \ɡʁɛ̃n\ C’est le terme générique pour parler du pénis en créole haïtien (CH). On dit «tèt grenn» pour le gland, «boul grenn» pour les testicules et «sak grenn» pour nommer le scrotum.

Bwa. Le mot « bwa » (bois) est un terme qui s’inscrit dans le registre vulgaire. C’est l’équivalent de « bite » en français. Ce terme est souvent associé à des adjectifs comme «bèl, gwo, bon» (belle, grosse, bonne).

Kòk. Prenons un exemple : une partie de plaisir est souvent comparée à un combat de coqs où chaque tour de reins est un coup d’éperons (ergot). Vous comprendrez bien qu’il faut avoir un «kòk» (pénis) de qualité !

L’appareil génital féminin

Schéma de l'appareil génital féminin
® Wikimedia Commons

Koko. Connaissez-vous la noix de coco, ce fruit à coque ? Sa coque est très dure, brune, couverte de fibres. Son amande est blanche, légèrement sucrée, consistante et parfumée. N’est-ce pas un joli mot pour désigner le sexe de la femme ? Avez-vous remarqué les similitudes entre le fruit et l’organe sexuel féminin ?

Krèk. 🙊 Vous pouvez identifier une crête ? Cette excroissance charnue que les coqs et quelques autres gallinacés ont sur leur tête. Voilà le mot qui désigne le clitoris en créole haïtien. Considéré comme un mot grossier, je ne connais pas d’autres mots plus spécifiques pour désigner cette chair située au sommet des petites lèvres (à l’entrée de la vulve). Cet organe est frappé de tabou, même dans les langues qui ont un mot « propre » pour le nommer. Selon un rapport sur l’éducation sexuelle remis en juin 2016 par le Haut Conseil à l’égalité (HCE), un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles ont un clitoris, et 83 % des collégiennes de 4e et de 3e ignorent sa fonction. L’anatomie complète du clitoris sera illustrée pour la première fois dans un manuel de sciences de la vie et de la terre.

Chat. À prononcer \ʃat\ . Expression vulgaire pour désigner le sexe de la femme. L’organe sexuel féminin est ainsi nommé en raison de son élasticité ou encore des poils pubiens. Pour évoquer le cunnilingus, vous entendrez des expressions comme « twalèt chat» ou «back chat».

Quels seraient les bons termes en créole?

Habituellement, c’est entre 2 et 3 ans que les premières interrogations de l’enfant sont formulées sur ses organes génitaux. Il faut leur répondre, et, surtout, leur répondre en utilisant les termes exacts. En effet, il n’y a pas de mal à dire « krèk, grenn, koko ». En ce qui me concerne, je trouve que ces mots ne sont en aucun cas « moins pire à dire » !

Tous ces termes curieux qu’on entend souvent ((comme bouboune, chouchoune, pipiche, guiguite, pigeon, etc.) ne servent qu’à encourager le malaise ou à rester bloqué sur des stéréotypes et des préjugés.

« Une langue est un prisme à travers lequel ses usagers sont condamnés à voir le monde« , disait Georges Mounin. En effet, la langue est l’instrument qui nomme et qui fait donc exister. Les nombreux exemples d’appellations diverses des parties intimes montrent comme le créole haïtien puise soit dans des langues existantes comme le français (et plus récemment l’anglais), ou bien invente des termes en créant ses propres vocables.

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Commentaires

Ritzamarum Zétrenne
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Très bon travail. Faut admettre que ça va aider beaucoup de gens à accepter le vocabulaire haïtien. L'on doit se rappeler toujours qu'on ne fabrique pas une langue à coups de marteaux. Les mots sont créés par un besoin de communication existant. Qu'on les utilise !

Omaw Buame
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:-) :-) :-)