Haïti : la Fête du Drapeau vue autrement

Article : Haïti : la Fête du Drapeau vue autrement
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19 mai 2017

Haïti : la Fête du Drapeau vue autrement

Haïti, la Première République noire du monde, la Perle des Antilles. Haïti, le pays le plus pauvre de l’Amérique. Ce 18 Mai a marqué la 214 ème année du bicolore national. Pourtant, je suis resté de marbre. Dans ma caboche, j’introspècte ce qu’être Haïtien veut dire pour certains de mes compatriotes. Tout rêveur, je me demande s’il sera un jour possible de redorer notre blason.

Auriez-vous envie de visiter Haïti un jour? Si vous passez chez nous, vous rencontrerez un peuple généreux, jovial, xénophile, croyant jusqu’à être naïf. Un peuple fier malgré ses déboires et ses malheurs.

Le déficit d’image positive que connaît le pays à l’étranger pousse certains binationaux à s’approprier la nationalité de leur terre d’accueil. Du reste, les Haïtiens de condition modeste vivant au pays s’enquérissent sur la manière d’obtenir une nationalité étrangère. Être Haïtien ne fait pas de nous un citoyen du monde, mais une paria.

On ne choisit pas son sexe, sa couleur de peau et sa nationalité. Tout ceci constitue le profil sociologique de l’individu. Si c’était le cas, très peu de gens auraient choisi d’être Haïtien, à mon avis. Si seulement on réfléchissait vraiment sur les paroles de la Dessalinienne (hymne national), on aurait compris qu’on a piétiné les valeurs nationales…

Haïti, une nation libre?

Le 18 Mai 1803, les nègres de Saint-Domingue ont symbolisé leur révolte en arrachant le blanc du tricolore français. Catherine Flon cousit les deux bandes bleue et rouge à l’horizontale. Symbole d’un désir de renversement qui sera rendu effectif avec la bataille de Vertières.
Haïti
© Photo crédit : Pixabay

Du sol soyons seuls maîtres

Marchons unis, marchons unis

En fait, il n’a jamais été question d’autonomie réelle. À propos du sol, nous n’en avons jamais été son seul maître. Suivant la doctrine de Monroe, nous sommes condamnés à subir l’ingérence américaine. D’ailleurs, l’occupation américaine (1915-1934) en témoigne. Ainsi, même après cet affront, ils continuent de nous dicter quoi faire. Comme on dit, qui finance commande. Pas seulement eux-même, mais toute la dite communauté internationale (ONU) auprès de laquelle nous quémandons.

Haïti
© Pixabay

Après plus d’une décennie sur la terre de Dessalines, on a annoncé le départ de la MINUSTAH. Comme partout ailleurs, mission accomplie. Ils ont violé et filmé nos fils, mis en cloque nos sœurs et se sont faits un peu de fric. Enfin bref, la MINUSTAH sera remplacée par la MINUJUSTH. Cette nouvelle force non-militaire dénommée Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti sera composée de sept unités de police.

La prochaine fois qu’on aura besoin d’arrêter un sénateur élu pour trafic de stupéfiants on n’aura pas besoin de l’extrader. Fini les palabres et les discours pseudo-nationalistes.

Haïti, un peuple uni?

Marchons unis, marchons unis

Pour le Pays, pour les Ancêtres

Marchons, marchons, marchons unis

Pour le Pays, pour les Ancêtres

Voilà quelques paroles de l’hymne national. Cette unité était le ciment de cette révolution tant glorieuse que nous continuerons de payer le prix.

Vous comprendrez bien cela. Une bande d’esclaves issus de tribus différentes, n’ayant pas de langue commune, se sont forgés un système linguistique (le créole). Arrivés sur la colonie, on essayait tout de même de les diviser en les catégorisant. Esclaves à talent, esclaves des champs, esclaves domestiques : esclaves quand même. En plus de ça, il y avait les Mulâtres, ces bâtards qui s’étaient considérés supérieurs aux Noirs. L’union des Noirs et des Mulâtres a permis au pays de se débarrasser du joug commun. Quoique ne défendant pas les mêmes intérêts, le mal a été écarté. Finalement, le Fondateur de la Nation, Dessalines, sera assassiné pour des titres de propriétés fonciers. Aujourd’hui encore, règne la théorie de la méfiance, de la peur.

« Nèg an wo pa vle wè nèg anba, moun nan Nò pa vle wè moun nan Sid« .
(Les gens de la bourgeoise se méfient de ceux de la masse populaire, les gens du Nord détestent ceux du Sud)

Le vaudou qui a été à l’origine de la cérémonie du Bois-Caïman, cérémonie qui a décatégorisé les esclaves et montré aux « biens meubles » qu’ils pouvaient se libérer de l’oppresseur.

Aujourd’hui, le vaudouisant est l’homme à abattre, à ostraciser. Sa religion est responsable de tous nos maux, dit-on.

Le peuple a de la méfiance à en revendre. Ce « mercantilisme religieux » établi en Haïti qui nous prêche que la vieille dame du voisinage est le « loup-garou » qui « mange » nos enfants. Le voisin ne veut pas que nous obtenions un visa, un travail, que nous nous marions et ayons des enfants.

Fier ou pas d’être Haïtien?

Je me suis toujours demandé ce que la France aurait fait d’Haïti en 1848 si l’indépendance d’Haïti n’avait pas eu lieu? L’abolition de l’esclavage aurait-elle lieu si tôt? Aurait-il fallu attendre le 20ème siècle comme c’est le cas en Afrique francophone ?

Bien sûr que j’ai honte ! Honte de ces politiques démagogues qui nous dirigent, de ces parlementire qui ne peuvent même pas lire des chiffres romains. Honte de marcher dans les rues sales de la capitale. Évidemment, j’ai honte de ce que je vis dans mon pays.

Quoiqu’il en soit, je suis fier d’être celui que je suis, d’être Haïtien. Je suis fier qu’un roi comme Henri Christophe ait gouverné le pays. Fier quand je vois Raquel Pelissier, Wyclef Jean, Jason Derulo, Duckens Nazon, Carl Jaro, Ralph Leroy, Stella Jean. Toutes ces personnalités publiques qui font flotter le drapeau haïtien à travers le monde comme pour dire que nous sommes un peuple.

 Trop fier de ces paysans qu’on appelle « nègre morne » (rustre) qui bêchent joyeux. Incultes pour la plupart, ils sont aussi courtois qu’un petit garçon instruit. Ainsi, ils nous rappellent que nous sommes condamnés à vivre ensemble. Une tasse de café échangée, un plat chaud partagé ! Voilà ce dont je suis fier ! « L’union ferait la force ».

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