Un roman d’introspection : Tifi de Saïka Céus

Article : Un roman d’introspection : Tifi de Saïka Céus
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18 janvier 2018

Un roman d’introspection : Tifi de Saïka Céus

Dans l’ensemble, un roman que j’ai lu avec une telle passion à part J’avoue que j’ai vécu de Pablo Neruda, c’est Tifi de Saïka Céus. De plus, c’est une œuvre qui parle d’elle-même. En ce qui me concerne, c’est un roman d’instrospection. Essentiellement, l’œuvre vous plonge dans votre haïtianité encore plus dans votre humanité. Sincèrement, mon orgueil a pris un coup. En fait, j’ai cru que j’allais fondre en larmes à un certain moment de la durée. 🙈

Tifi de Saïka Céus est une œuvre d’expression créole. C’est l’histoire d’une fille qui ne connaìt pas son nom, qui a perdu son identité. Plusieurs items font que c’est un livre exceptionnel à mon sens :

  • un roman d’aventure
  • un livre dont le personnage principal est une femme
  • une romance
  • un roman sous forme de journal intime
  • Une biographie
  • un livre que j’ai déjà lu
  • une autrice ayant reçu un prix
  • le premier roman d’une autrice
  • un livre que je n’ai pas réussi à lâcher
  • une œuvre d’une autrice que j’apprécie
  • un livre que je voudrais offrir à tout le monde

Un roman qui salue le courage de nos femmes

“Notre vie vaut ce qu’elle nous a coûté d’efforts.”

[François Mauriac]

Tifi, le personnage principal, une enfant laissée à trois ans aux  bons soins de Madame Leroy, une missionnaire religieuse. Évidemment, sa mère aura vu en cette possibilité l’offre d’un rêve qu’elle n’aura pas su offrir à son unique fille. Mais, ce rêve sera tué à coups de fouet, sous un bourreau qui l’aura mise enceinte dès ses seize ans. Aussi, on aura compris toute l’hypocrisie religieuse et l’injustice sociale dénoncée.

« Lewa sèmante pitit la pap fèt nan kay la, se moun legliz yo ye. « 

Renvoyée de force, dans son village natal, sans parent ni ami, elle reviendra sans même savoir son nom. Comment une jeune fille sans « mari » ni profession va-t-elle vivre avec 56 Gourdes ?  Que va-t-elle manger? Qu’en est-il de son accouchement ?

Madame Leroy lui a volé son identité et sa fierté. Pourtant, celle qui était considérée comme une moins-que-rien, un rejeton, une merde verra son courage récompensé à 45 ans en présence de toute la communauté du bourg. Un modèle de courage ! Chaque page vous transportera dans l’histoire de cette dame. Véritable parcours du combattant!

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Page Facebook de l’auteure

Tifi, un roman paysan ?

Le roman paysan est un type de roman dans lequel les mœurs, les traditions, les coutumes du pays sont mis en exergue. Effectivement, j’ai eu l’impression de lire Zoune chez sa ninnaine de Justin Lhérisson en lisant Tifi. Notamment, l’œuvre se lit comme une lodyans.

Personnellement, j’ai l’impression de retrouver une part de moi, mes racines, la richesse de ma culture et la beauté de la langue créole. En outre, un étranger créolophone sera plongé dans l’imaginaire socio-culturel haïtien.

À partir de la page 100, on trouve une plaidoirie du vaudou à travers une conversation de personnages. Legba, Brav, Lenglensou, Papa Loko, sont entre autres des noms de loas qui sont mentionnés.

Nos us et coutumes y sont clairement décrits : partager un repas, indiquer l’heure à partir de son ombre, pratiquer les commérages, se faire vertement réprimander par une connaissance.

Sans oublier, le bon vieux rara ! C’est plus qu’un rythme musical. C’est une institution : major, dame-corbeille. Un roulement de tambour ne saurait ne pas vibrer nos entrailles…

Depi tanbou frape, Ayisyen leve danse.

Nos jeux traditionnels, tirer les contes, tout ce patrimoine culturel qui tend à disparaitre de la mémoire collective à l’ère de la technologie y sont évoqués.

Avez-vous déjà pris un lòk (purgatif fait maison)?

Un roman que je recommenderais à nos binationaux.

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© Page Facebook de l’auteure

Tifi, un trésor linguistique

« L’homme ne naît pas dans la nature mais dans la culture ».

[Marina Yaguello]

La langue est produite par la culture et celle-ci est produite par la langue. Malgré le rôle que peut jouer une langue par rapport à l’identité d’une communauté sociale, ce sont les manières de parler de chaque communauté, les façons d’employer les mots qui sont porteuses de culturel.

Par exemple, connaissez-vous quelques variantes du créole haïtien comme celui du Nord ?

En général, on dit fè bagay (fè sèks) en créole haïtien pour parler de faire l’amour. Néanmoins, la variété du Nord dira koke alors que pour le reste du peuple koke indique l’action de suspendre un objet.

Connaissez-vous des proverbes haïtiens ?

– Ki sa frize te fè pou koukou pou li te rele pitit li Frizelya.

– Bondye pa janm bay pèn san sekou.

– Se mò li pa konn pri dra blan.

Des interjections typiquement haïtiennes : Welele ! (Oulala !), Komèltèk ! (énervement), Ayayay ! (En vérité !), Adjedan ! (Avertissement).

Personnellement, je pourrais citer autant de nuances sur ce bijou écrit en langue créole.

Un roman adaptable au cinéma

De mon humble avis, je pense qu’un film éponyme pourrait être réalisé à partir de l’ouvrage. Je sais que certaines plumes sont peu satisfaites du résultat final. Néanmoins, l’expérience pourrait être tentante. Le film garderait les traits d’ensemble du roman : l’intrigue, l’action, les thèmes, les personnages principaux et les conventions stylistiques. Par contre, une adaptation réussie rendrait l’essence et l’esprit de l’œuvre et la vision de l’auteure.

En écrivant ce billet, je n’ai eu nullement les prétentions d’un critique littéraire. Tout ce qui précède n’est qu’une infime partie de mes appréciations de l’ouvrage.

Vous avez lu le livre. Quels en sont vos impressions ?

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