Mon féminisme : entretien avec Kerlande Fleurio, lauréate du concours de texte sur les droits humains

Article : Mon féminisme : entretien avec Kerlande Fleurio, lauréate du concours de texte sur les droits humains
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8 mars 2018

Mon féminisme : entretien avec Kerlande Fleurio, lauréate du concours de texte sur les droits humains

#MonFéminisme : C’est le thème retenu pour le 8 mars cette année. Avec moi, pour en parler, la 3ème lauréate du concours de texte sur les droits humains organisé par l’Office de la Protection du Citoyen (OPC), Kerlande Fleurio ! Sa vision de la célébration du 8 mars, sa définition du féminisme, les stratégies du mouvement féministe actuel, l’égalité femmes-hommes en Haïti s’il en existe et plus encore. Retrouvons ses propos à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

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Crédit photo de l’interviewée

 

  • Bonjour Kerlande, peux-tu te présenter pour les lecteurs du blog ?

Bonjour Garens, bonjour à tous les lectrices et lecteurs du blog. Fabrice Luchini, acteur français, eût à dire ceci : « Parler de soi est une impasse absolue« . Ainsi, je me retrouve dans cette impasse aujourd’hui pour vous présenter ma personne. Je réponds au nom de Kerlande Fleurio, j’ai 22 ans, ancienne élève du Collège Marie Dominique Mazzarello et troisième lauréate du concours de texte sur les droits humains organisé par l’Office de la protection du citoyen (OPC). Présentement, je suis étudiante finissante en sciences juridiques à la Faculté de Droit et des sciences économiques de Port-au-Prince (UEH).

  • Comment vois-tu la célébration du 8 mars ?

La journée du 8 mars, communément appelée Journée internationale des droits de la femme, rappelle à chaque femme que la force de la solidarité est  triomphante. Il est impossible d’atteindre des perspectives communes si nos objectifs, notre vision diffèrent. Ainsi, je vois la célébration du 8 mars comme un rappel des résultats obtenus par les femmes lorsque leurs forces ont convergé vers un même but. Et si les ouvrières de l’époque ont pu faire respecter leurs droits, nous aussi nous pouvons le faire.

  • Es-tu féministe ?

Je suis féministe et je crois à l’instauration d’une société égalitaire et équitable. Si être féministe c’est vouloir redresser la balance inégalitaire entre hommes et femmes établie par la société, croire que les hommes et les femmes méritent d’avoir les mêmes égalités de chances et de réussite, les mêmes opportunités et les mêmes privilèges sociaux, etc. alors oui, je suis féministe.

  • Dis-nous ce qu’est pour toi le féminisme ? Qu’est-ce qu’être féministe aujourd’hui ?

Le féminisme est un mouvement revendicatif ayant pour but de reconnaître les droits des femmes dans la société. Être féministe aujourd’hui, c’est embrasser la lutte pour le respect des droits de la femme. C’est se vouer à une cause juste visant à mettre fin à la discrimination et aux stéréotypes dont les femmes sont victimes dans cette société. C’est se mettre en désaccord avec les pratiques inégalitaires, et à la problématique de genre qui tendent à réduire la femme à sa composition physique.

  • Quelles sont les stratégies du mouvement féministe actuel ?

Il existe plusieurs courants du mouvement féministe et les stratégies peuvent varier d’un courant à l’autre. Mais, l’une des méthodes communes à tous les mouvements féministes sont les messages de plaidoyer à caractère dénonciatif.

  • Ta définition de la liberté ?

Pour moi, la liberté est intrinsèquement liée au concept de choix et de décision. Être libre c’est avoir la capacité de choisir, de décider et de consentir sans y être contraint. Et comme le dit Paulo Coelho, « La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir.« 

  • Égalité femmes-hommes : où en est-on en Haïti ?

Peut-on parler d’égalité femmes-hommes en Haïti, lorsque la construction sociale et idéologique de notre société est machiste et sexiste ? Si j’abonde dans le sens de ma question, je dirais qu’à l’heure actuelle l’égalité entre hommes et femmes en Haïti est plus une chimère qu’une réalité. Cependant, on peut faire en sorte d’avoir cette égalité que nous prônons à travers une déconstruction sociale et idéologique.

Il est temps que nos enfants, filles et garçons, soient éduquées de la même façon. Que cessent les discours machistes… On est loin de l’égalité hommes-femmes en Haïti mais on peut y arriver et pour que cela se fasse on doit commencer à la base.

  • Alors comment se donner les moyens d’atteindre l’égalité ?

L’égalité hommes-femmes renvoie au fait que deux personnes de sexes différents, de compositions physiques différentes reçoivent les mêmes traitements et disposent des mêmes moyens de réussite. Et la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose en son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Cette idée de différence entre hommes et femmes se trouve dans notre pensée, dans notre façon de voir la gente féminine. Si nous voulons atteindre l’égalité, nous devons changer d’abord notre pensée, notre idéologie en faisant la promotion d’une autre forme d’éducation. Une éducation non-sexiste et conformiste, où la femme sera vue et traitée comme l’égal de l’homme.

  • Quelle est ta vision de la femme haïtienne d’aujourd’hui ?

Être femme et s’assumer dans la société haïtienne d’aujourd’hui n’est pas chose facile. Et en cet instant, je tiens à féliciter toutes les femmes haïtiennes. Celles qui ont le courage de se lever tous les matins avec la détermination qu’aujourd’hui est un jour nouveau. Oui, celles-là qui croient que leur seule porte de sortie vers un avenir meilleur est l’éducation. Pour moi, la femme haïtienne d’aujourd’hui est le symbole de la « résilience ». Elle a cette capacité d’encaisser et de se relever après chaque coup dur. Elle représente la force, le courage et la détermination.

  • Comment vois-tu la femme haïtienne de demain ?

Comme l’aurore qui se pointe à l’horizon pour annoncer la naissance d’un nouveau jour, c’est ainsi que je vois la femme haïtienne de demain. Celle qui s’est battue pour faire respecter ses droits, celle qui ne se contente pas des miettes que lui offre la société. Oui celle-là qui croit en sa capacité de diriger et d’administrer, celle qui est représentée dans toutes les sphères décisionnelles du pays sans que ce ne soit sur la base d’un quota ou de leur sexe mais parce qu’elles sont réellement capables d’accomplir leurs tâches.

Entre engagement et implication

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  • Tu es engagée dans une association défendant les droits, VIPFemmes. Pourquoi l’action associative est-elle nécessaire pour aller plus loin ?

Un auteur a dit « Seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin. » Voilà ce qui explique mon engagement dans une association féministe. Quand on est entouré des personnes qui partagent les mêmes visions et les mêmes valeurs que nous, le chemin paraît moins long et la lutte moins coriace. Ensemble on est invincible, ensemble on est inatteignable.

  • Quels types de projets vont être soutenus par VIPFemmes ?

VIPFemmes (Vers l’intégration Professionnelle des Femmes) a pour objectif la promotion des droits de la femme et l’instauration de l’équité de genre en Haïti. Tous les projets qui visent à promouvoir les droits de la femmes, VIPFemmes en fait son affaire. Par ailleurs, VIPFemmes mise sur l’autonomie financière de la femme. Pour cela, nous parions sur la culture de l’entrepreneuriat et toutes les activités à caractère social, éducative, environnementale. VIPFemmes en fait son cheval de bataille.

  • Quel bilan portez-vous sur la politique des droits des femmes des dernières années ?

Il est un fait incontestable et nous ne pouvons le nier : la politique des droits des femmes a connu des avancées ces dernières années, et chez nous en Haïti les résultats sont palpables. Notamment, avec la Constitution amendée de 2011 où le législateur a fixé en son article 17-1 le taux de participation des femmes à 30% à tous les niveaux de la vie nationale. Et les instruments internationaux avec les différentes conventions relatives aux droits des femmes présentent des progrès prouvant que la lutte pour le respect des droits de la femme porte ses fruits et que nous pouvons faire encore plus.

Zeste de féminisme

  • Penses-tu à la stigmatisation des travailleuses de sexe ?

Le droit de disposer de son corps est un droit inhérent à la personne humaine. C’est un droit naturel dont je ne saurais contrevenir, comme je l’ai dit tantôt la liberté est la capacité de faire des choix dont on peut en assumer les conséquences. Et être travailleuse de sexe est un choix personnel qui ne repose que sur les valeurs morales propres à une personne.

  • Ton avis sur l’égalité des sexes ?

La société est composée des hommes et des femmes. Je trouve inconcevable qu’il existe une catégorie qui bénéficie d’un ensemble de privilèges parce qu’il est appelé homme. Et à l’autre catégorie on érige des barrières infranchissables parce que c’est une femme.

Aujourd’hui, le débat est ouvert et nous devons poser les vraies questions. Moi, je dis que le sexe de la femme ne définit en aucune manière sa capacité en tant que personne humaine. Si nous enlevons nos lunettes stéréotypées, nous verrons que les hommes et les femmes sont les principaux acteurs de la société. Aucune communauté ne peut fonctionner sans une collaboration étroite des deux sexes. Le rapport de dominant-dominé ne crée que des frustrations empêchant les sociétés d’évoluer.

Pour moi, l’égalité des sexes n’est pas un cadeau et encore moins une faveur. C’est un droit acquis et que nous devons en jouir. Hommes et femmes sont égaux, voilà la vérité !

Le mot de la fin

  • Un conseil pour les hommes ?

Je dirais aux hommes que le mouvement féministe n’est pas contre eux, mais contre la discrimination, la stigmatisation et la marginalisation de la femme dans la société. Nous luttons pour le respect de nos droits en tant que personne humaine.
Je leur dirais également que le féminisme n’est pas du machisme à l’envers. Nous ne cherchons pas à les réduire au silence ni à les traiter de sexe faible. Nous voulons tout simplement jouir de nos droits, de nos privilèges. Donc, il serait de bon ton qu’ils nous rejoignent dans cette lutte parce qu’être féministe c’est lutter contre l’injustice et l’inégalité sociale, c’est être un humaniste.

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Commentaires

Customwrittenessays
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Donc oui, je me considère comme étant féministe” Joseph Gordon. Une féministe doit se restreindre à un certain style pour être libre : Faux! Le féminisme ne dicte ni ne critique en aucun cas le mode de vie ou la façon de s’habiller de quiconque. Libre à vous vivre comme il vous chante, car le féminisme appelle principalement et avant tout à la liberté entière des choix, comme le dit Lena Dunham : “Une grande part du combat féministe est de donner aux autres femmes la liberté de faire des choix que l’on n’aurait pas forcément fait pour soi. ” LE VRAI COMBAT : A trop s’attarder sur des clichés débités par des personnes sexistes ou mal informés et à cause de l’image floue et négative véhiculée par les médias ou par quelques féministes dites extrémistes à l’instar des militantes du célèbre mouvement Ukrainien Femen, on en vient à oublier les vrais valeurs du féminisme, et à s’éloigner du véritable sens de ce mouvement et les objectifs de ce combat : «Le féminisme est un ensemble de mouvements et d’idées politiques, philosophiques et sociales, qui partagent un but commun : définir, établir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes.

Garens Jean-Louis
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Merci de votre commentaire !

riccardo
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Merci pour ce bon plan !

dewawp
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Merci pour cette belle recette !