Il faut sauver le système éducatif haïtien

Article : Il faut sauver le système éducatif haïtien
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27 juillet 2018

Il faut sauver le système éducatif haïtien

Que l’on soit un acteur du système ou un simple observateur, la « défaillance » du système éducatif haïtien reste un fait probant. Au lieu de plaindre le système, il faudra proposer des palliatifs valables face aux problèmes d’urgence du système actuel.

Lors d’un colloque international à l’Université Quisqueya à Port-au-Prince, l’ambassadrice de France en Haïti, Elisabeth Beton Delègue, dans son discours du vendredi 23 mars, aurait évoqué la « défaillance » du système éducatif haïtien. Sur le site de l’ambassade de France, des chiffres ont été avancés : « 1 enfant sur 4 ne fréquente pas l’école, 25% de la population est analphabète, 80% des maîtres n’ont pas de formation spécifique ».

Quoique ces chiffres ne corroborent pas avec ceux avancés par d’autres institutions reconnues comme la Banque Mondiale et l’UNICEF, l’échec scolaire en Haïti reste une réalité liée au développement du pays. Au 1er janvier 2018, la Banque Mondiale estime que 90% des enfants sont scolarisés. Enfin, la part d’enseignants non qualifiés est estimée à 65% (et non 80%) par l’UNICEF.

Dans son livre « Les Problèmes du système éducatif en Haïti », Odette Roy Fombrun lie les problèmes du système éducatif aux problèmes socio-économiques. Elle parle de « révolution konbitique non violente » qui s’oppose aux principales réformes du système éducatif. Le sémantisme du mot konbitique exprime davantage la coopération. Ainsi, l’auteure et historienne propose de changer les structures, abandonner la centralisation à outrance pour une déconcentration poussée.

Si l’on assiste à une fuite considérable de nos cerveaux, madame Fombrun consent à ce que l’on crée le conditionnement mental qui doit conduire au développement. Selon le « trésor national » haïtien, il faut convaincre le peuple haïtien qu’il est possible d’être l’artisan de son développement.

La centenaire qui a publié au cours de sa vie des études sur l’éducation en Haïti croit fermement qu’il faut réaliser l’éclatement de l’école traditionnelle, pour son ouverture formelle à la communauté qu’elle dessert.

En 1982 a lieu la Réforme Bernard − inscrite dans la dichotomie école urbaine/école rurale − qui a fait des deux langues officielles d’Haïti les langues d’enseignement. Le créole était censé être la principale langue d’enseignement dans les cinq années d’enseignement fondamental. Haïti étant dans une situation diglossique.  Maintenir un programme de bibliothèque au sein des écoles et des municipalités devra être une priorité. Sur ce point, il nous faut innover, découvrir les moyens d’avancer au rythme de nos possibilités et de nos disponibilités. Identifier des locaux pouvant accommoder des bibliothèques scolaires.

En effet,  la Réforme Bernard aura été un échec en ce sens qu’elle n’aura pas résolu un des problèmes fondamentaux que confronte le système éducatif ; la langue d’études. En fait, le statut social privilégié des bilingues rend l’utilisation du créole comme langue d’unification difficile. Dispenser l’éducation en créole et apprendre une langue étrangère semble poser problème. Pour la majorité, le français est facteur de promotion sociale.

Dans son livre « Portrait du Colonisé », Albert Memmi, écrivain et essayiste franco-tunisien, parle d’amnésie culturelle pour évoquer le rejet inconscient du patrimoine culturel. Pour sa part, l’éminent linguiste haïtien Yves Déjean, dans son livre « Yon lekòl tèt anba nan yon peyi tèt anba », a relaté que l’éducation en Haïti n’est pas au diapason avec les réalités socioculturelles du pays. Il est évident que l’usage du français ne réussit pas à tous ceux qui intègrent le système éducatif haïtien. Modestement, je proposerai que tous les Haïtiens sachent lire et écrire le créole et que le français puisse être enseigné progressivement. Un travail entrepris par certains éditeurs qui proposent des manuels rédigés dans les deux langues officielles du pays. Toutefois, il faudra attendre une ou deux générations pour mesurer le résultat escompté.

« L’éducation est considérée comme instrument de lutte »

D’un autre côté, en dépit de ses multiples partenariats développés avec la communauté internationale, seulement 8% de l’aide est allouée à l’éducation depuis 2015.

De son côté, compte tenu de la situation socio-économique et l’attente de la désignation d’un Premier ministre, la population est de plus en plus sceptique sur la subvention des manuels scolaires cette année.

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Crédit photo : https://iwaria.com/

Deux semaines après la rentrée officielle de l’année scolaire 2017-2018, la préparation et la distribution des livres subventionnés n’étaient pas toujours disponibles. La fièvre du Mondial étant passé, l’État dispose-t-il de fonds pour la migraine de la rentrée des classes 2018-2019?

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